Textes à méditer : Noël (contes de Noël)
Temps de lecture : 40 minutes
Les quatre bougies du petit berger ; Une légende du temps de l'Avent : le chant des bergers ; le quatrième roi mage ; Les visiteurs attendus ; Le chemin des étoiles ; Noël au ciel ; Le Grinch de Noël ; Eliacim, le vieux berger ; L'étoile de Noël ; Les trois arbres
Noël au ciel
II était une fois deux enfants, une sœur et un frère. C'était des enfants très sages et obéissants. Ils en étaient presque un peu fiers. Ils aimaient bien jouer avec leurs camarades, mais encore plus entre eux deux.
Un jour, - c'était la veille de Noël -, ils décidèrent de partir tout seuls fêter Noël au ciel, avec les anges et avec Jésus.
Ils se mirent en route de bon matin, car ils pensaient bien que le chemin serait assez long. Ainsi ils marchèrent et marchèrent à travers les paysages, en direction du soleil levant.
Soudain ils entendirent au loin le grondement d'un torrent et se trouvèrent bientôt au bord d'un profond ravin longé de vertigineuses falaises. Prudemment ils s'approchèrent du bord. Comment faire pour traverser ? Alors ils aperçurent un pont, rectiligne comme une règle et tout aussi étroit, qui réunissait les deux bords. Oseraient-ils la traversée ? Cela parut de la folie.
Mais voilà : ce pont s'appelait « le pont du mensonge ». Celui qui n'avait jamais menti de sa vie pouvait l'emprunter sans danger. Les deux enfants se regardèrent et dirent d'un commun accord : « Nous n'avons jamais menti de notre vie, allons-y ». Un peu tremblants ils s'y engagèrent, un pied devant l'autre, et encore un pied devant l'autre, et ainsi de suite, et ils gagnèrent le bord opposé.
Un peu fatigués, ils continuèrent leur route. Au bout d'un certain temps ils entendirent de lointains rugissements. Malgré leur frayeur ils avancèrent. Les rugissements enflèrent, cela ressemblait bien à des rugissements de lions, mais ils ne purent rien voir, car le paysage était sauvage : des fourrés et des buissons épineux s'étendaient à perte de vue. Brusquement ils virent quelque chose de jaune doré bouger à travers les branches. Ils s'arrêtèrent net : c’était bien deux lions, un à droite et l'autre à gauche du sentier. Que faire ? Rebrousser chemin ?
Mais voilà : c’étaient « les lions bagarreurs, les lions de la colère ». Celui qui ne s'était jamais bagarré ni mis en colère contre quiconque pouvait passer sans être attaqué. Les deux enfants se regardèrent et dirent d'un commun accord : « Nous ne nous battons jamais et ne faisons jamais de colère, Allons-y ». Le cœur battant, ils avancèrent et, lentement, passèrent indemnes entre les deux lions qui ne bougèrent pas.
Encore un peu plus fatigués ils continuèrent leur route. L'après-midi avançait. Le soleil avait passé le zénith depuis longtemps, Combien de temps encore jusqu'au ciel ? En sortant enfin des fourrés, le sentier semblait s'orienter vers un replat parsemé de bouleaux, reconnaissables à leurs troncs blancs. Les enfants espérèrent pouvoir se reposer un peu sous leurs fins branchages. Mais en s'approchant, que découvrirent-ils ? Un marécage, des trous gluants d'eau noire entre des îlots de boue flottante, plus trace de sentier. Impossible de s'y hasarder.
Mais voilà : ce marécage s'appelait « le passage de l'obéissance ». Celui qui n'avait jamais désobéi à ses parents ni à quiconque, pouvait s'y risquer. Les deux enfants se regardèrent et dirent d'un commun accord : « Nous n'avons jamais désobéi, nous pouvons poser nos pieds sur le marécage, allons-y ». Et ils passèrent sains et saufs.
Arrivés de l'autre côté ils regardèrent : le soleil baissait, l'horizon commençait à se mettre au rose, mais le sentier continuait et semblait enfin monter. « Dépêchons-nous de grimper » se dirent-ils, « il ne s'agit pas d'arriver en retard ». Ils s'engagèrent en hâtant le pas et, à la tombée de la nuit, un peu essoufflés, ils se trouvèrent devant l'immense portail du ciel. Un silence absolu régnait. Les enfants s'étaient attendus à entendre de la musique, des répétitions de chants de Noël, certes atténuées par l'épaisseur de la porte, mais quand même.
Alors timidement, ils frappèrent au portail. Rien ne bougeait. Ils frappèrent plus fort et encore plus décidés et encore plus fort. Enfin ils entendirent de lourds pas, un peu traînants, s'approcher de l'intérieur. Et le portail s'ouvrit un peu grinçant, l'espace d'une fente. La tête barbue de Saint Pierre apparut et il dévisagea les enfants d'un air étonné : « Que voulez-vous, les petits ? », « On est venu pour fêter Noël au ciel ce soir » dirent-ils avec une certaine assurance. « Ah ! » dit-il, en se lissant la barbe, « Mais voyons, le soir de Noël tout le ciel, Jésus et tous les anges descendent sur la terre. II n'y a personne ici. Ils sont tous descendus pour fêter Noël avec les hommes, avec tous les hommes, toutes les femmes, tous les enfants, filles et garçons, sages ou méchants. Ici le ciel est vide ».
Et il referma la porte.
D. Casalis
Le Grinch de Noël
Les habitants de Chouville aiment tous fêter Noël ! Mais Grinch, le Grincheux, qui habite quelque part au nord de Chouville, a pris en horreur cette fête. Maintenant, ne me demandez pas pourquoi, personne n’en connaît la raison. Peut-être que sa tête n’est pas bien vissée sur ses épaules… Peut-être que ses chaussures sont trop petites et lui compressent les orteils… Mais si vous voulez mon avis, la vraie raison de tout ceci, c’est que son cœur est deux fois trop petit.
Bon, qu’elle qu’en soit la cause, son cœur ou ses chaussures, en cette veille de Noël, Grinch sent sa haine des habitants de Chouville l’envahir. Depuis sa caverne, en haut de la colline, il contemple avec amertume les fenêtres éclairées qui donnent à la petite ville un air de fête. D’horribles grimaces transforment son visage. Il sait qu’en bas, les habitants décorent les maisons en chantonnant.
Alors il grommelle : « Demain, c’est Noël ! On y est presque ! Il faut que je trouve un truc pour arrêter tout ça ! »
Il sait bien que ce jour est le Jour tant attendu.
Toutes les filles et tous les garçons vont se réveiller très tôt et seront surexcités, ils se précipiteront sur leurs cadeaux en poussant des cris de joie. Après ça, tous les habitants, les jeunes et les vieux vont s’installer ensemble autour d’un grand festin : ils vont engloutir des tonnes de nourriture ; ils vont se goinfrer de dindes farcies aux marrons et aux lardons, de bûches de Noël à la crème, de chocolats, de cardons en gratin.
Et tout cela... Il ne le supporte plus.
Et ce n’est pas tout, le pire arrive encore.
Les petits et les grands, les maigres et les gros, tous vont se lever de table pour faire une chose plus abominable encore. Ils vont se rassembler sur la place du village au son des cloches du temple qui sonneront à toute volée, et là, main dans la main, ils vont se mettre à chanter le même refrain en entrant dans le temple éclairé par des centaines de bougies. A l’intérieur du temple, ils vont encore chanter à cœur joie.
Plus le Grinch y pense, moins il supporte cette perspective.
« Cela fait 53 ans que ça dure. C’est chaque année la même chose. Maintenant, assez ! Je dois trouver le moyen d’empêcher tout ça. Mais comment ? »
Et puis, l’idée est venue… une idée diabolique ! Une super idée diabolique !
Le Grinch se déguise en père Noël et appelle son chien Max, une brave bête. Il attelle l’animal à un vieux traîneau tout cabossé, prend quelques sacs vides et se met en route vers Chouville au moment où les habitants ronflent paisiblement.
Arrivant à la première maison sur la place, le Grinch installe sans bruit son échelle, se hisse sur le toit, avance jusqu’à la cheminée. Il se laisse ensuite glisser le long du conduit puis pointe son nez hors de la cheminée juste à la hauteur où les petites chaussettes des Choux sont suspendues.
« Ces chaussettes à cadeaux seront les premières choses à disparaître ! » dit-il en les mettant dans son sac avec un plaisir non dissimulé. Le Grinch fait ensuite le tour du salon ; il jette dans son sac pêle-mêle tout ce qu’il trouve : une paire de rollers, un ordinateur, une poupée, un tambour, une trottinette, un train électrique, des pop-corn, des petites souris en chocolat.
Quand tous les sacs sont pleins, il les remonte un à un par la cheminée.
Puis, il se dirige vers le frigo et le vide à son tour de tout ce qu’il contenait pour la fête : la dinde avec ses marrons et ses lardons, les cardons et le fromage, la bûche, la mousse au chocolat, tout y passe.
Il monte ce sac par la cheminée, ravi de ce qu’il vient faire.
Et maintenant… le sapin ! « Celui-là aussi va passer par la cheminée ! » Le Grinch hisse alors le sapin dans la cheminée. Puis, pour finir en beauté, il emporte aussi la bûche posée sur les chenets.
« Quel besoin ont-ils d’allumer un feu ? De toute manière il ne fait que vingt degrés au-dessous de zéro ! » se moque-t-il en s’en allant.
Il répète le même scénario dans toutes les maisons de Chouville. Il ne laisse rien derrière lui, à peine une miette de biscuit pour les souris.
Sa mission accomplie, il embarque tous les cadeaux, toutes les décorations, tout ce qui pouvait rappeler Noël de près ou de loin et repart sur son traîneau tiré par son chien jusqu’au sommet du Mont Crumpit, pour jeter en bas du précipice tout son butin.
Son énergie pour le soulever est décuplée par la perspective de voir bientôt le désespoir des gens de Chouville, privés de Noël.
« Ils vont se réveiller et je sais exactement ce qui va se passer dès qu'ils connaîtront la terrible nouvelle : cette année, il n'y a pas de Noël !… » grogne de plaisir le Grinch. « Ils vont rester bouche bée une minute ou deux, et puis ce sera une grande clameur de tristesse : « Bouh… ouh…. » voilà ce que je me réjouis d’entendre ! Ce bruit-là, il me le faut ! »
Il s’arrête un instant et tend l’oreille pour écouter.
Il entend un son monter, étouffé par la neige qui continue de tomber. Faible au début, le bruit s’amplifie. Mais le bruit n’est pas une lamentation… Pourquoi ? Que se passe-t-il ? On dirait que le son est joyeux… Ce n’est pas possible !
« Mais ils sont joyeux, vraiment joyeux ! »
Le Grinch se penche pour voir ce qui se passe à Chouville. Il se frotte les yeux car il ne croit pas ses oreilles. Et ce qu’il voit le fait trembler d'effroi… Quelle surprise ! Le choc est énorme ! Les habitants de Chouville, petits et grands, maigres et gros, jeunes et vieux, tous sont là et ils chantent, sans aucun cadeau !
Pour être raté, c'est vraiment raté ! Le Grinch n’a pas réussi à arrêter Noël. Noël est bel et bien là. D’une manière ou d’une autre, Noël est arrivé, toujours le même.
Et le Grinch, les pieds à moitié gelés dans la neige, est complètement perturbé. Il reste là sans bouger.
« Comment est-ce possible ? Noël est là, comment a-t-il pu arriver sans sapins, sans rubans, sans guirlandes, sans boules, sans cadeaux, sans chaussettes, sans bons repas…? »
Et le Grinch retourne et retourne cette question dans sa tête pendant trois heures sans trouver de réponse.
« A moins que…
Peut-être, après tout, que Noël ne vient pas des magasins ?
Peut-être, oui, peut-être que Noël, c'est autre chose, quelque chose qui vient de plus loin ?
Peut-être que Noël est plus que tout ce commerce ?
Et alors… »
Aujourd’hui, les habitants de Chouville racontent que ce jour-là, le cœur du Grinch a grandi de trois tailles au moins.
Et ils racontent que dès que son cœur eut assez de place pour battre au rythme de Noël, il redescendit du Mont Crumpit avec son traîneau et tout son chargement, les cadeaux, les décorations et la nourriture pour la fête.
Il fit même une chose que personne n'avait jamais vu…
C’est lui-même, le Grinch, qui découpa la dinde aux marrons et aux lardons.
D’après un conte de Jill Böhning et Line van Baalen : « Why the Grinch stole Christmas… »
Eliacim, le vieux berger
Dans le silence d’une nuit claire sur les collines de Bethléem, Eliacim, le vieux berger, debout, appuyé sur son bâton, veille sur son troupeau.
Avec son père, il a appris à se protéger des animaux sauvages ou des voleurs. Il est là, comme le guetteur veille l’aurore !
Il porte bien son nom Eliacim. Il est celui que Dieu tient debout. La nuit est fraîche, alors d’un geste large, il s’enveloppe dans son manteau de laine.
Eliacim aime la nuit, elle ne lui fait plus peur, depuis le temps qu’il l’apprivoise. Les étoiles sont ses compagnes, leur lumière est comme un signe de vie, une espérance dans la nuit.
Alors, dans un soupir, il dit : « il va venir ! »
- « Qui va venir ? Grand-père, dit Jonathan, le petit-fils du berger.
- L’Homme de Dieu, celui que notre peuple attend
- Quand ?
- Bientôt » Les autres bergers, assis autour du feu qui crépite, se moquent de lui. « Bientôt !… c’est ce que tu répètes depuis des années ! »
Eliacim ne les écoute pas.
- « Ah ! Soupira-t-il encore, s’il pouvait venir ! »
Son coeur est tout rempli de cette attente. Il espère des jours meilleurs car il entend bien les rumeurs qui grondent dans le pays, la peur et la violence qui se sont installées avec la présence des soldats Romains. Durant tout le jour, une grande effervescence est montée jusqu’au campement des bergers. Du creux du rocher où ils avaient trouvé refuge pour se protéger du vent, Eliacim et Jonathan avaient observé la foule qui se bousculait dans les alentours de la cité de David.
Se rapprochant de Jonathan, il s’assoit et le serre tout contre lui. Jonathan lui dit :
- « Grand-père, celui qui doit venir, sera-t-il roi comme David, notre roi bien-aimé ? Portera-t-il une couronne en or, une épée d’argent, et un grand manteau de pourpre ?
- Je ne sais pas ! »
Jonathan saute de joie et se met à jouer une jolie mélodie sur sa flûte.
Eliacim écoute attentivement et doucement se surprend à dire :
- « Et si le roi n’avait ni couronne, ni épée, ni manteau de pourpre... Voudrais-tu jouer pour lui ? » Comment lui faire comprendre que ce roi promis, le Messie, dépasserait tout ce qu’il espère ! Le prophète Isaïe ne l’avait-il pas annoncé ?
Soudain, le ciel devient plus lumineux. Là-bas au dessus de Bethléem, les étoiles scintillent comme le diamant. De joie Jonathan se met à courir au devant de la lumière. Elles annoncent peut-être la venue du roi ?
Jonathan, celui à qui le Seigneur a donné, est tout rempli d’une grande joie et se dit : « Même s’il n’a ni couronne, ni épée, ni manteau, si ce roi me donne la joie alors il sera mon roi ! »
Un conte de Élisabeth Serpolay et Myriam Bécourt
L'étoile de Noël
Il y a très longtemps, dans un village perdu au creux d’une vallée, vivait un homme si méchant et si dur que les enfants du village l’avaient surnommé « Cœur de pierre ». Sa maison était la dernière du village et ses volets étaient toujours clos. Quand l’hiver arrivait, il passait ses journées à compter l’argent que ses récoltes lui avaient rapporté. Seule une bougie éclairait ses pièces d’or ; le reste de la maison était plongé dans l’obscurité. Tout le monde fuyait « Cœur de pierre ». Les oiseaux ne chantaient jamais au-dessus de sa maison. Même la neige semblait hésiter à déposer ses blancs flocons.
La veille de Noël arriva. Au village, toutes les rues étaient illuminées. Le soir, malgré la neige et le froid, les enfants voulurent aider leurs parents à décorer le grand sapin qui trônait sur la place. Ils attendaient avec impatience le moment où ils verraient l’étoile scintiller au sommet de l’arbre. Soudain, l’étoile fut là, belle et lumineuse. « Oh ! dirent les enfants, que c’est beau ! » Les façades des maisons se mirent à briller. Les cinq branches de l’étoile s’étiraient pour rayonner davantage encore, tant et tant que leurs rayons se faufilèrent entre les volets de la maison de « Cœur de pierre ». Ebloui, il hurla : « Mais que se passe-t-il donc ? » La lumière éclairait ses murs gris. « Mon Dieu, que ma maison est triste ! », se dit-il.
« Cœur de pierre » s’aperçut alors que personne n’y venait jamais et que son argent ne lui servait à rien. Il se mit à pleurer. Cela ne lui était jamais arrivé. A ce moment-là, il entendit des pas dehors. Guidés par l’étoile, les enfants venaient le voir, un peu inquiets. Lorsqu’ils poussèrent la porte de sa maison, ils découvrirent des larmes dans les yeux de celui qu’ils appelaient « Cœur de pierre ».
L’homme avait levé la tête. Il lui semblait que c’était la première fois qu’il voyait ces enfants. Il les invita à entrer. Alors, l’étoile se retira doucement pour aller éclairer d’autres maisons tristes.
Mais l’homme garda en lui cette lumière. Le lendemain matin, tous les gens du village trouvèrent une pièce d’or devant leur porte. Et quand l’homme revint chez lui, il entendit les oiseaux qui chantaient pour lui au-dessus de sa maison.
Anonyme
Les trois arbres
Il était une fois, en haut d’une montagne, trois petits arbres qui rêvaient à ce qu’ils voudraient devenir quand ils seraient plus grands.
Le premier regarda les étoiles qui brillaient comme des diamants au-dessus de lui. « Je veux abriter un trésor, dit-il. Je veux être recouvert d’or et rempli de pierres précieuses. Je serai le plus beau coffre à trésor du monde ».
Le deuxième arbre regarda le petit ruisseau qui suivait sa route vers l’océan. « Je veux être un grand voilier, dit-il. Je veux naviguer sur de vastes océans et transporter des rois puissants. Je serai le bateau le plus fort du monde ».
Le troisième petit arbre regarda dans la vallée au-dessous de lui et il vit la ville où des hommes et des femmes s’affairaient. « Je ne veux jamais quitter cette montagne, dit-il. Je veux pousser si haut que lorsque les gens s’arrêteront pour me regarder, ils lèveront les yeux au ciel et penseront à Dieu. Je serai le plus grand arbre du monde ».
Les années passèrent. Les pluies tombèrent, le soleil brilla et les petits arbres devinrent grands. Un jour, trois bûcherons montèrent dans la montagne.
Le premier bûcheron regarda le premier arbre et dit : « C’est un bel arbre. Il est parfait ». En un éclair, abattu d’un coup de hache, le premier arbre tomba. « Maintenant, je vais être un coffre magnifique, pensa le premier arbre. J’abriterai un merveilleux trésor ».
Le deuxième bûcheron regarda le deuxième arbre et dit : « Cet arbre est vigoureux. Voilà ce qu’il me faut ». En un éclair, abattu d’un coup de hache, le deuxième arbre tomba. « Désormais, je vais naviguer sur de vastes océans, pensa le deuxième arbre. Je serai un grand navire digne des rois ».
Le troisième arbre sentit son cœur flancher quand le bûcheron le regarda. « N’importe quel arbre me conviendra », pensa-t-il. En un éclair, abattu d’un coup de hache, le troisième arbre tomba.
Le premier arbre se réjouit lorsque le bûcheron l’apporta chez le charpentier, mais le charpentier était bien trop occupé pour penser à fabriquer des coffres. De ses mains calleuses, il transforma l’arbre en mangeoire pour animaux. L’arbre qui avait été autrefois très beau n’était pas recouvert d’or ni rempli de trésors. Il était couvert de sciure et rempli de foin pour nourrir les animaux affamés de la ferme.
Le deuxième arbre sourit quand le bûcheron le transporta vers le chantier naval, mais ce jour-là, nul ne songeait à construire un voilier. A grands coups de marteau et de scie, l’arbre fut transformé en simple bateau de pêche. Trop petit, trop fragile pour naviguer sur un océan ou même sur une rivière, il fut emmené sur un petit lac. Tous les jours, il transportait des cargaisons de poissons morts qui sentaient affreusement fort.
Le troisième arbre devint très triste quand le bûcheron le coupa pour le transformer en grosses poutres qu’il empila dans la cour. « Que s’est-il passé ? se demanda l’arbre qui avait été autrefois très grand. Tout ce que je désirais, c’était rester sur la montagne en pensant à Dieu ».
Beaucoup de jours et de nuits passèrent. Les trois arbres oublièrent presque leurs rêves. Mais une nuit, la lumière d’une étoile dorée éclaira le premier arbre au moment où une jeune femme plaçait son nouveau-né dans la mangeoire. « J’aurais aimé pouvoir lui faire un berceau », murmura son mari. La mère serra sa main dans la sienne et sourit tandis que la lumière de l’étoile brillait sur le bois poli. « Cette mangeoire est magnifique », dit-elle. Et soudain, le premier arbre sut qu’il renfermait le trésor le plus précieux du monde.
D’autres jours et d’autres nuits passèrent, mais un soir, un voyageur fatigué et ses amis s’entassèrent dans la vieille barque du pêcheur. Tandis que le deuxième arbre voguait tranquillement sur le lac, le voyageur s’endormit. Soudain, l’orage éclata et la tempête se leva. Le petit arbre trembla. Il savait qu’il n’avait pas la force de transporter tant de monde en sécurité dans le vent et la pluie. Le voyageur s’éveilla. Il se leva, écarta les bras et dit : « Paix ». La tempête se calma aussi vite qu’elle était apparue. Et soudain, le deuxième arbre sut qu’il transportait le roi des cieux et de la terre.
A quelque temps de là, un vendredi matin, le troisième arbre fut fort surpris lorsque ses poutres furent arrachées à la pile de bois oubliée. Transporté au milieu des cris d’une foule en colère et railleuse, il frissonna quand les soldats clouèrent sur lui les mains d’un homme. Il se sentit horrible et cruel. Mais le dimanche matin, quand le soleil se leva et que la terre toute entière vibra d’une joie immense, le troisième arbre sut que l’amour de Dieu avait tout transformé. Il avait rendu le premier arbre beau. Il avait rendu le second arbre fort. Et à chaque fois que les gens pensaient au troisième arbre ils penseraient à Dieu. Cela était beaucoup mieux que d’être le plus grand arbre du monde.
Angela Elwelle Hunt (Conte tiré des "Trois arbres", Ed. Centurion, 1995)
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