Deux types de lecture des programmes de l’école primaire (projet du 20 février 2008)
Temps de lecture : 10 minutesRetour en arrière, retour au « bon sens », école « garante de l’idéal républicain », « projet pédagogique de notre temps » … La lecture de ces nouveaux programmes prête à des interprétations diverses. sitEColes vous propose une analyse de quelques éléments pour vous aider dans cette lecture.
1. Ces programmes s’inscrivent dans un contexte.
Le regret du bon vieux temps !
Un sondage de la Sofres réalisé pour les Entretiens Nathan 2006 est révélateur de l’opinion publique paradoxale : ¾ des parents et des enseignants estiment que l’école fonctionne bien … mais forcément moins bien qu’avant.
Presque la moitié des enseignants (48%) et un peu moins de parents (39%) croient que l’école ira moins bien dans l’avenir. Pourtant les parents et les enseignants dans leur grande majorité estiment que l’école fonctionne assez et très bien (77% parents, et 74% profs). Ce qui se dégrade, c’est l’autorité (84%), la transmission des valeurs morales et civiques (3/4). Dans les disciplines tout va mieux sauf en orthographe et en lecture. Le matériel pédagogique est plus abondant, les relations parents-profs sont meilleures (71% parents, 51% profs), les notes s’améliorent.
Dans ce sondage, l’opinion est plutôt satisfaite sur les questions pointues. Mais lorsqu’il faut exprimer un avis général : « c’était mieux avant » prédomine ! (1)
Ce sondage est révélateur d’une société en difficulté. Benoît Richard, en février 2007, intitulait un article de Sciences Humaines (N°179) "France : La nostalgie à défaut de projet". Ce retour sur le passé est aussi relevé par Laure Dumont (La classe - février 2007) : "Plus généralement, une société qui va mal a tendance à être nostalgique, à se tourner vers le passé. C’est le contexte qui fait que les ultraconservateurs sont plus entendus que les autres, et surtout que les médias acceptent d’entrer dans ce jeu là".
"On vit dans un climat de déclin général en France, note Fançois Dubet, sociologue. Or l’école est une institution centrale dont on a toujours attendu le salut. Elle répercute donc toutes les angoisses d’aujourd’hui. Il faut dire aussi que les années 1970-1980 ont été dominées par un optimisme à tout crin. La massification de l’école, l’allongement des études, les méthodes actives moins autoritaires, tout semblait positif. Mais ces dix dernières années, l’évolution de l’école a déçu. D’où un retournement d’opinion d’autant plus pessimiste et excessif qu’il a été optimiste". "Cette idéalisation du passé est étrange, estime François Dubet. N’oublions pas que cette école d’autrefois était profondément inégalitaire et brutale dans ses règles de fonctionnement". (Famille éducation magazine, N°465, janvier, février 2007).
C’est le marché de l’angoisse qui prédomine avec un retour sur le passé qui paraît plus sécurisant. Mais la société d’aujourd’hui n’est plus celle d’hier !
Une société de la complexité
Hugues Derycke, (2007) montre comment l’éducation cherche à s’adapter à ces évolutions : « Plus l’être humain se trouve dans un environnement complexe, plus cette durée de l’éducation à l’autonomie tend à s’accroître. Complexité croissante de la vie sociale, majoration des interactions entre humains et entre leurs cultures, allongement de la durée de vie vont ainsi de pair avec l’accroissement des besoins éducatifs. On est ainsi passé en quelques décennies d’une éducation de base, principes élémentaires pour toute la vie, à une éducation de toute l’existence et sur toute sa durée : une éducation pour toute la vie et une éducation de toute la vie ! Nous avons inventé les maternelles et les universités du troisième âge ! Mais nous avons aussi, plutôt mieux que moins bien, faut-il le rappeler, réussi la massification des études, même si bien du chemin reste à parcourir ».
2. Vers quel type d’école aller ? Que proposent les programmes officiels de 2008 ?
Faut-il reconstruire l’école des années 1950 ou plutôt l’école telle que notre imaginaire la recrée ? Faut-il construire l’école des années 2010 ?
sitEColes a relevé des citations des programmes 2008 et les a organisées en 2 colonnes suivant les conceptions de l’école recherchée. En effet ceux qui veulent soutenir l’école d’autrefois peuvent y trouver des arguments. Ceux qui veulent une école adaptée à la vie d’aujourd’hui et de demain, qui s’appuie sur les recherches socio-cognitives, didactiques et pédagogiques auront aussi leurs arguments.
L’exercice oblige à une vue un peu caricaturale des deux écoles mais montrent bien les interprétations possibles et les espaces de liberté offerts par ces nouveaux programmes. Voir tableau ci-dessous.





(*) Les nouveaux programmes de l'école primaire
3. Quelle école dans l’Enseignement catholique ?
Ceux qui ont fait une lecture attentive de ces citations avec leur présentation et qui connaissent le projet éducatif de l’Enseignement catholique auront reconnu l’école à construire pour aujourd’hui et demain. Il s’agit de dépasser l’opinion publique, de prendre en compte les résultats des recherches, et de bâtir avec nos valeurs.
Si certains chercheurs critiquent le contenu de ces programmes, ils permettent, toutefois, d’éduquer l’enfant dans toutes ses dimensions à condition de faire une lecture ouverte de ce texte et de s’appuyer sur les finalités énoncées. La liberté pédagogique est réaffirmée sous réserve d’évaluer les effets des pratiques.
C’est le travail en équipe qui permettra de mener une pratique réflexive, de s’assurer de la cohérence des projets, de regarder vers l’horizon et d’éduquer au sens de la vie.
Il convient de « fixer le regard vers l’essentiel, de regarder vers l’horizon, et de garder le sens ».
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(1) Sondage réalisé par la Sofres pour les Entretiens Nathan décembre 2006 : "Quel avenir pour l’école ? Entre passéisme nostalgique et utopie moderniste". JDI N°4, décembre 2006 et "Café pédagogique". Enquête réalisée par téléphone du 20 au 27 septembre 2006 sur un échantillon de 750 parents et de 750 enseignants (de la maternelle au lycée).