Textes à méditer : Rencontre
Temps de lecture : 40 minutes
Le renard et le petit prince ; Jésus et la samaritaine ; Viens avec moi ; On ne trouve que ce que l'on attend ; Seigneur, pourquoi m'as-tu dit d'aimer ? Je connais tout de toi ; Réflexion ; la rencontre ; Depuis que je t'ai rencontré ; Transfiguration ; L'homme existe, je l'ai rencontré !
Le renard et le petit prince
C'est alors qu'apparut le renard.
- Bonjour, dit le renard.
- Bonjour, répondit poliment le petit prince, qui se retourna mais ne vit rien.
- Je suis là, dit la voix, sous le pommier.
- Qui es-tu ? dit le petit prince. Tu es bien joli...
- Je suis un renard, dit le renard.
- Viens jouer avec moi, lui proposa le petit prince. Je suis tellement triste...
- Je ne puis pas jouer avec toi, dit le renard. Je ne suis pas apprivoisé.
- Ah! pardon, fit le petit prince. Mais, après réflexion, il ajouta :
- Qu'est-ce que signifie « apprivoiser » ?
- Tu n'es pas d'ici, dit le renard, que cherches-tu ?
- Je cherche les hommes, dit le petit prince. Qu'est-ce que signifie « apprivoiser » ?
- Les hommes, dit le renard, ils ont des fusils et ils chassent. C'est bien gênant! Ils élèvent aussi des poules. C'est leur seul intérêt. Tu cherches des poules ?
- Non, dit le petit prince. Je cherche des amis. Qu'est-ce que signifie « apprivoiser » ?
- C'est une chose trop oubliée, dit le renard. Ça signifie « créer des liens... »
- Créer des liens ?
- Bien sûr, dit le renard. Tu n'es encore pour moi, qu'un petit garçon tout semblable à cent mille petits garçons. Et je n'ai pas besoin de toi. Et tu n'as pas besoin de moi non plus. Je ne suis pour toi qu'un renard semblable à cent mille renards. Mais, si tu m'apprivoises, nous aurons besoin l'un de l'autre. Tu seras pour moi unique au monde. Je serai pour toi unique au monde...
- Je commence à comprendre, dit le petit prince. Il y a une fleur... je crois qu'elle m'a apprivoisé...
- C'est possible, dit le renard. On voit sur la Terre toutes sortes de choses...
- Oh ! Ce n'est pas sur la Terre, dit le petit prince. Le renard parut très intrigué :
- Sur une autre planète ?
- Oui.
- Il y a des chasseurs, sur cette planète-là ?
- Non.
- Ça, c'est intéressant ! Et des poules ?
- Non.
- Rien n'est parfait, soupira le renard.
Mais le renard revint à son idée :
- Ma vie est monotone. Je chasse les poules, les hommes me chassent. Toutes les poules se ressemblent, et tous les hommes se ressemblent. Je m'ennuie donc un peu. Mais, si tu m'apprivoises, ma vie sera comme ensoleillée. Je connaîtrai un bruit de pas qui sera différent de tous les autres. Les autres pas me font rentrer sous terre. Le tien m'appellera hors du terrier, comme une musique. Et puis regarde ! Tu vois, là-bas, les champs de blé ? Je ne mange pas de pain. Le blé pour moi est inutile. Les champs de blé ne me rappellent rien. Et ça, c'est triste ! Mais tu as des cheveux couleur d'or. Alors ce sera merveilleux quand tu m'auras apprivoisé ! Le blé, qui est doré, me fera souvenir de toi. Et j'aimerai le bruit du vent dans le blé... Le renard se tut et regarda longtemps le petit prince :
- S'il te plaît... apprivoise-moi ! dit-il.
- Je veux bien, répondit le petit prince, mais je n'ai pas beaucoup de temps. J'ai des amis à découvrir et beaucoup de choses à connaître.
- On ne connaît que les choses que l'on apprivoise, dit le renard. Les hommes n'ont plus le temps de rien connaître. Ils achètent des choses toutes faites chez les marchands. Mais comme il n'existe point de marchands d'amis, les hommes n'ont plus d'amis. Si tu veux un ami, apprivoise-moi !
- Que faut-il faire ? dit le petit prince.
- Il faut être très patient, répondit le renard. Tu t'assoiras d'abord un peu loin de moi, comme ça, dans l'herbe. Je te regarderai du coin de l'œil et tu ne diras rien. Le langage est source de malentendus. Mais, chaque jour, tu pourras t'asseoir un peu plus près...
Le lendemain revint le petit prince.
- Il eût mieux valu revenir à la même heure, dit le renard. Si tu viens, par exemple, à quatre heures de l'après-midi, dès trois heures je commencerai d'être heureux. Plus l'heure avancera, plus je me sentirai heureux. À quatre heures, déjà, je m'agiterai et m'inquiéterai ; je découvrirai le prix du bonheur ! Mais si tu viens n'importe quand, je ne saurai jamais à quelle heure m'habiller le cœur... Il faut des rites.
- Qu'est-ce qu'un rite ? dit le petit prince.
- C'est aussi quelque chose de trop oublié, dit le renard. C'est ce qui fait qu'un jour est différent des autres jours, une heure, des autres heures. Il y a un rite, par exemple, chez mes chasseurs. Ils dansent le jeudi avec les filles du village. Alors le jeudi est jour merveilleux ! Je vais me promener jusqu'à la vigne. Si les chasseurs dansaient n'importe quand, les jours se ressembleraient tous, et je n'aurais point de vacances.
Ainsi le petit prince apprivoisa le renard. Et quand l'heure du départ fut proche :
- Ah ! dit le renard... je pleurerai.
- C'est ta faute, dit le petit prince, je ne te souhaitais point de mal, mais tu as voulu que je t'apprivoise...
- Bien sûr, dit le renard.
- Mais tu vas pleurer ! dit le petit prince.
- Bien sûr, dit le renard.
- Alors, tu n'y gagnes rien !
- J'y gagne, dit le renard, à cause de la couleur du blé. Puis il ajouta :
- Va revoir les roses. Tu comprendras que la tienne est unique au monde. Tu reviendras me dire adieu, et je te ferai cadeau d'un secret.
Le petit prince s'en fut revoir les roses.
- Vous n'êtes pas du tout semblables à ma rose, vous n'êtes rien encore, leur dit-il. Personne ne vous a apprivoisées et vous n'avez apprivoisé personne. Vous êtes comme était mon renard. Ce n'était qu'un renard semblable à cent mille autres. Mais j'en ai fait mon ami, et il est maintenant unique au monde.
Et les roses étaient gênées.
- Vous êtes belles, mais vous êtes vides, leur dit-il encore. On ne peut pas mourir pour vous. Bien sûr, ma rose à moi, un passant ordinaire croirait qu'elle vous ressemble. Mais à elle seule elle est plus importante que vous toutes, puisque c'est elle que j'ai arrosée. Puisque c'est elle que j'ai mise sous globe. Puisque c'est elle que j'ai abritée par le paravent. Puisque c'est elle dont j'ai tué les chenilles (sauf les deux ou trois pour les papillons). Puisque c'est elle que j'ai écoutée se plaindre, ou se vanter, ou même quelquefois se taire. Puisque c'est ma rose.
Et il revint vers le renard :
- Adieu, dit-il...
- Adieu, dit le renard. Voici mon secret. Il est très simple : on ne voit bien qu'avec le cœur. L'essentiel est invisible pour les yeux.
- L'essentiel est invisible pour les yeux, répéta le petit prince, afin de se souvenir.
- C'est le temps que tu as perdu pour ta rose qui fait ta rose si importante.
- C'est le temps que j'ai perdu pour ma rose... fit le petit prince, afin de se souvenir.
- Les hommes ont oublié cette vérité, dit le renard. Mais tu ne dois pas l'oublier. Tu deviens responsable pour toujours de ce que tu as apprivoisé. Tu es responsable de ta rose...
- Je suis responsable de ma rose... répéta le petit prince, afin de se souvenir.
Antoine de Saint-Exupéry
Jésus et la samaritaine
Il est midi. Jésus est seul, fatigué. Il a faim, il a soif.
Tu viens à notre rencontre, Seigneur, dans nos faiblesses, dans nos fragilités.
Une femme de Samarie vient pour puiser de l’eau. Une femme avec ses faiblesses, ses préjugés, ses doutes, les choses à cacher, car enfin venir à midi, l’heure la plus chaude pour puiser de l’eau n’est-ce pas pour se cacher de qui la guettent, elle la femme aux six maris !
Seigneur, cette femme, c’est chacun de nous quand nous allons à la rencontre de l’autre, elle nous représente tous.
Et tu oses lui adresser la parole à cette femme de mauvaise vie et qui plus est une samaritaine, une étrangère, une ennemie du peuple juif. Donne-moi aussi ce courage, cette audace.
Mais tu fais fi, Seigneur, de toutes ces frontières. « Donne-moi à boire ». C’est toi qui la prie, c’est toi qui me prie aujourd’hui. Tu me dis au quotidien : j’ai besoin de toi, j’ai besoin de ton amour. Ouvre mes oreilles, ouvre mon cœur pour que j’entende bien ta prière.
Merci pour ces rencontres avec toi, chez moi, au travail, merci pour ta demande et pour l’étonnement qu’elle provoque : « Comment ! Toi, tu me demandes à boire ? »
Comme la Samaritaine, je cherche le bonheur : « Seigneur, donne-moi de cette eau que je n’aie plus soif et que je n’aie plus à puiser l’eau ici". Mais quel bonheur ? Celui de l’immédiateté, du "tout tout de suite" ! »
Apprends-moi à entendre : « Si tu savais le don de Dieu et qui est celui qui te parle ? » Aide-moi à faire le chemin de la samaritaine : elle t’a entrevu comme un ennemi de son peuple, un homme fatigué, assoiffé, n’ayant même pas un seau pour puiser de l’eau et mettant à l’ouvrage une femme ; elle t’a reconnu comme un prophète qui lui révèle sa situation personnelle sans la condamner ; elle t’a accueilli comme le Messie, celui qui doit venir, celui qu’on appelle Christ et qui fera tourtes choses nouvelles ; elle t’a annoncé comme le Sauveur du monde.
Aide-moi à découvrir chaque jour davantage ton visage, ta parole en étant au contact de ton Évangile, en entendant un frère me demander à boire, un malade ou un étranger quérir une visite.
Comme la Samaritaine, je réalise que mon existence est trop souvent vide comme une citerne qui fuit, comme une cruche fêlée. Ton regard perce ma douleur pour me dire que la source de l’amour c’est toi.
Les barrières élevées par les humains ne comptent plus. Fais-moi reconnaître le don de Dieu dans ces rencontres de mon quotidien à toute heure du jour et de la nuit. Qu’à l’image de la Samaritaine, je laisse aussi ma cruche pour courir annoncer à tous : « Oui, Jésus est le Messie, mon Sauveur. » (Texte d’évangile : Jean 4, 1-42)
Yvon Garel
Viens avec moi
Viens avec moi !
Voici un nouveau jour qui commence !
Jésus, Toi qui as accepté d’incarner l’Amour infini dans les limites d’une famille, d’un village, d’un pays, et la monotonie d’un métier avec ses mêmes gestes répétés, viens habiter chez moi tout au long de ce jour !
Que ta présence transforme cet humble quotidien en une joyeuse incarnation de ton Amour !
Tu croiseras ceux que je croiserai dans la rue,
tu prieras en moi sur le quai de la gare, dans la cohue,
tu poseras un regard de tendresse sur chaque visage que je regarderai,
tu salueras ceux que je saluerai,
tu écouteras ceux que j’écouterai,
tu parleras à ceux à qui je parlerai,
tu t’engageras auprès de ceux avec qui je m’engagerai,
tu prendras ton repas auprès de ceux avec qui je mangerai,
tu aimeras ceux que j’aimerai.
Comme le Père T’a envoyé aux carrefours des rues et des places publiques,
Tu m’envoies, aujourd’hui, pour être ton cœur, tes yeux et tes mains.
Avec moi, tu veux encore rencontrer des riches et des pauvres, des enfants et des vieillards, des bien-portants et des malades, et regarder chacun comme un être unique.
Avec moi, en moi, tu veux encore aimer, servir, pardonner, guérir, laver les pieds et sauver.
Avec moi, en moi, tu veux vivre aujourd’hui encore, et jusqu’à la fin des temps, au milieu de hommes.
Viens, Seigneur Jésus, viens habiter chaque heure, chaque minute, chaque seconde de cette journée.
Transforme-la en semence de ton éternité !
Michel Hubaut
On ne trouve que ce que l’on attend
Il était une fois un homme assis près d’une oasis, à l’entrée d’une ville du Moyen-Orient.
Un jeune homme s’approcha et lui demanda :
- Je ne suis jamais venu ici. Comment sont les gens qui vivent dans cette ville ?
Le vieil homme lui répondit par une question :
- Comment étaient les gens de la ville d’où tu viens ?
- Egoïstes et méchants. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle j’étais bien content de partir.
- Tu trouveras les mêmes ici, lui répondit le vieil homme.
Un peu plus tard, un autre jeune homme s’approcha et posa la même question :
- Je viens d’arriver dans la région. Comment sont les gens qui vivent dans cette ville ?
Le vieil homme répondit de même.
- Dis-moi, mon garçon, comment étaient les gens de la ville d’où tu viens ?
- Ils étaient bons, bienveillants, accueillants, honnêtes. J’y avais de nombreux amis et j’ai beaucoup de mal à les quitter.
- Tu trouveras les mêmes ici, lui répondit le vieil homme.
Un marchand qui faisait boire ses chameaux, avait entendu les deux conversations. Dès que le second jeune homme s’éloigna, il s’adressa au vieillard sur un ton de reproche :
- Comment peux-tu donner deux réponses complètement différentes à la question donnée par deux personnes ?
- Mon fils, dit le vieil homme, chacun porte son univers dans son cœur. D’où qu’il vienne, celui qui n’a rien trouvé de bon par le passé ne trouve rien ici non plus. Par contre, celui qui avait des amis dans l’autre ville trouvera ici aussi des amis loyaux et fidèles. Car, vois-tu, les gens sont vis-à-vis de nous ce que nous trouvons en eux.
Conte d’Orient
Seigneur, pourquoi m’as-tu dit d’aimer
Seigneur, pourquoi m’as-tu dit d’aimer tous mes frères les hommes ?
J’ai essayé, mais vers Toi je reviens effrayé...
Seigneur, j’étais si tranquille chez moi,
Je m’étais organisé, je m’étais installé.
Mon intérieur était meublé et je m’y trouvais bien.
Seul, j’étais d’accord avec moi-même.
A l’abri du vent, de la pluie, de la boue.
Pur je serais resté, dans ma tour enfermé.
Mais à ma forteresse, Seigneur, tu as découvert une faille,
Tu m’as forcé à entrouvrir ma porte,
Comme une rafale de pluie en pleine face,
Le cri des hommes m’a réveillé ;
Comme un vent de bourrasque, une amitié m’a ébranlé ;
Comme s’insinue un rayon de soleil, ta grâce m’a inquiété
... Et j’ai laissé ma porte entrouverte, imprudent que j’étais.
Seigneur, maintenant je suis perdu !
Dehors, les hommes me guettaient.
Je ne savais pas qu’ils étaient si proches ;
Dans cette maison, dans cette rue, dans ce bureau ;
Mon voisin, mon collègue, mon ami.
Dès que j’eus entrouvert, je les ai vus, la main tendue, le regard tendu,
L’âme tendue, quêtant comme des mendiants aux portes des églises.
Les premiers sont rentrés chez moi, Seigneur.
Il y avait tout de même un peu de place dans mon cœur.
Je les ai accueillis, je les aurais soignés,
Je les aurais cajolés, frisés, mes petites brebis à moi,
Mon petit troupeau.
Tu aurais été content, Seigneur, bien servi, bien honoré,
Proprement, poliment.
Jusque-là, c’était raisonnable...
Mais les suivants, Seigneur, les autres hommes,
Je ne les avais pas vus, les premiers les cachaient.
Ils étaient plus nombreux, ils étaient plus miséreux,
Ils m’ont envahi sans crier gare.
Il a fallu se resserrer, il a fallu faire de la place chez moi.
Maintenant, ils sont venus de partout,
Par vagues successives, l’une poussant l’autre, bousculant l’autre.
Ils sont venus de partout, de la ville entière,
De la nation, du monde ; innombrables, inépuisables.
Ils ne sont plus isolés, mais en groupes, en chaîne, liés les uns aux autres, mêlés,
soudés, comme des morceaux d’humanité.
Ils ne sont plus seuls, mais chargés de pesants bagages ;
Bagages d’injustice, bagages de rancœur et de haine,
Bagages de souffrance et de péché...
Ils traînent le Monde derrière eux,
Avec tout son matériel rouillé et tordu,
Ou trop neuf et mal adapté, mal employé.
Seigneur, ils me font mal ! Ils sont encombrants, ils sont envahissants.
Ils ont trop faim, ils me dévorent !
Je ne peux plus rien faire ; plus ils rentrent,
Plus ils poussent la porte et plus la porte s’ouvre...
Ah ! Seigneur ! Ma porte est toute grande ouverte !
Je n’en puis plus ! C’est trop pour moi ! Ce n’est plus une vie !
Et ma situation ?
Et ma famille ?
Et ma tranquillité ?
Et ma liberté ?
Et moi ?
Ah ! Seigneur, j’ai tout perdu, je ne suis plus à moi :
Il n’y a plus de place pour moi chez moi.
Ne crains rien, dit Dieu, tu as TOUT gagné
Car tandis que les hommes entraient chez toi,
Moi, ton Père,
Moi, ton Dieu,
Je Me suis glissé parmi eux.
Michel Quoist
Je connais tout de toi
Même les cheveux de ta tête, je les ai tous comptés.
Rien de ta vie n'est sans importance à mes yeux.
Je connais chacun de tes problèmes, de tes besoins, de tes soucis.
Oui, je connais tous tes péchés, mais je te dit une fois encore :
je t'aime.
Non pas pour ce que tu as fait,
non pas pour ce que tu n'as pas fait,
je t'aime pour toi-même,
pour la beauté et la dignité que mon Père t'a donnée
en te créant à son image et à sa ressemblance.
C'est une dignité que tu as peut-être souvent oubliée,
une beauté que tu as souvent ternie par le péché :
mais je t'aime tel que tu es.
Mère Teresa
Réflexion
Un homme tomba dans un trou et se fit très mal :
Un Cartésien se pencha et lui dit : « Vous n'êtes pas rationnel, vous auriez dû voir ce trou. »
Un spiritualiste le vit et dit : « Vous avez dû commettre quelque péché. »
Un scientifique calcula la profondeur du trou.
Un journaliste l'interviewa sur ses douleurs.
Un yogi lui dit : « Ce trou est seulement dans ta tête, comme ta douleur. »
Un médecin lui lança deux comprimés d'aspirine.
Une infirmière s'assit sur le bord et pleura avec lui.
Un thérapeute l'incita à trouver les raisons pour lesquelles ses parents le préparèrent à tomber dans le trou.
Une pratiquante de la pensée positive l'exhorta : « Quand on veut, on peut ! »
Un optimiste lui dit : « Vous avez de la chance: vous auriez pu vous casser une jambe. »
Un pessimiste ajouta : « Et ça risque d'empirer. »
Puis un enfant passa, et lui tendit la main...
Anonyme
La rencontre
J'étais allé, mendiant de porte en porte, sur le chemin du village lorsque ton chariot d'or apparut au loin pareil à un rêve splendide et j'admirais quel était ce Roi de tous les rois !
Mais les espoirs s'exaltèrent et je pensais : c'en est fini des mauvais jours, et déjà je me tenais dans l'attente d'aumônes spontanées et de richesses éparpillées partout dans la poussière.
Le chariot s'arrêta là où je me tenais. Ton regard tomba sur moi et tu descendis avec un sourire. Je sentis que la chance de ma vie était enfin venue.
Soudain, alors, tu tendis ta main droite et dis : « Qu'as-tu à me donner ? »
Ah ! Quel jeu royal était-ce là de tendre la main au mendiant pour mendier ! J'étais confus et demeurai perplexe ; enfin, de ma besace, je tirai lentement un tout petit grain de blé et te le donnai.
Mais combien fut grande ma surprise lorsqu'à la fin du jour, vidant à terre mon sac, je trouvai un tout petit grain d'or parmi le tas des pauvres grains. Je pleurai amèrement alors et pensai : « Que n'ai-je eu le cœur de te donner mon tout ! »
Rabindranath Tagore (L'offrande lyrique)
Depuis que je t’ai rencontré
Écoute, mon Dieu !
Ils m'ont dit que tu n'existais pas et comme un sot, je l'ai cru.
L'autre soir, du fond d'un trou d'obus, j'ai vu ton ciel...
Du même coup, j'ai vu qu'ils m'avaient dit un mensonge.
Si j'avais pris le temps de regarder les choses que tu as faites,
j'aurais bien vu que ces gens refusaient d'appeler un chat un chat.
Je me demande, Dieu, si tu consentirais à me serrer la main...
Et pourtant, je sens que tu vas comprendre.
C'est curieux qu'il m’ait fallu venir à cette plage infernale avant de pouvoir contempler ton visage.
Je t'aime terriblement, et ça, je veux que tu le saches.
Il va y avoir un horrible combat.
Qui sait ? Il se peut que j'arrive près de toi dès ce soir même…
Nous n'avons pas été des camarades jusqu'à ce jour et je me demande, si tu m'attendras à la porte.
Tiens ! Voilà que je pleure.
Moi, verser des larmes !
Ah ! Si je t'avais connu plus tôt...
Allons, il me faut partir !
C'est drôle, depuis que je t'ai rencontré, je n'ai plus peur de mourir.
Texte retrouvé sur le corps d'un soldat américain au moment du débarquement en 1944
Transfiguration
Il y a des jours où le temps est froid et gris, où tout va mal et où est bas le moral.
Il y a des jours où on s’agite tellement qu’on a l’impression de brasser du vent.
Il y a des jours où l’on ne sait plus où l’on va. On ne sait plus ce qu’on fait ni pourquoi.
Vient alors le temps d’une rencontre, d’un repos obligé ou d’une randonnée.
L’horizon s’éclaircit, la lumière jaillit. Quelque chose ou quelqu’un redonne sens à la vie.
Ce qui est caché est montré, on se sent bien, apaisé. La vie est transformée. On a envie de rester.
Mais il faut redescendre dans la plaine, se remettre au travail, se donner de la peine.
On trouve force et courage pour quelque temps. On sait que rien ne sera plus comme avant.
Bernard Hubler
L’homme existe, je l’ai rencontré
J'ai lu quelque part : « Dieu existe, je l'ai rencontré ! »
Ça alors ! Ça m'étonne !
Que Dieu existe, la question ne se pose pas !
Mais que quelqu'un l'ai rencontré avant moi, voilà qui me surprend !
Parce que j'ai eu le privilège de rencontrer Dieu juste à un moment où je doutais de lui !
Dans un petit village de Lozère abandonné des hommes, il n'y avait plus personne.
Et en passant devant la vieille église, poussé par je ne sais quel instinct, je suis entré...
Et, là, j'ai été ébloui... par une lumière intense... insoutenable !
C'était Dieu... Dieu en personne, Dieu qui priait !
Je me suis dit : « Qui prie-t-il ? Il ne se prie pas lui-même ? Pas lui ? Pas Dieu ! »
Non ! Il priait l'homme ! Il me priait, moi ! Il doutait de moi comme j'avais douté de lui !
Il disait : « Ô homme ! Si tu existes, un signe de toi ! »
J'ai dit : « Mon Dieu, je suis là ! »
Il a dit : « Miracle ! Une humaine apparition ! »
Je lui ai dit : « Mais mon Dieu... comment pouvez-vous douter de l'existence de l'homme, puisque c'est vous qui l'avez créé ? »
Il m'a dit : « Oui... mais il y a si longtemps que je n'en ai pas vu un dans mon église... que je me demandais si ce n'était pas une vue de l'esprit ! »
Je lui ai dit : « Vous voilà rassuré, mon Dieu ! »
Il m'a dit : « Oui ! Je vais pouvoir leur dire là-haut : L'homme existe, je l'ai rencontré ! »
Raymond Devos (Matière à rire - L'intégrale, Éditions Olivier Orban, Paris, 1991)
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