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Le Redoublement : pour ou contre ?

Temps de lecture : 22 minutes
Le Redoublement : pour ou contre ?

Question récurrente qui attise les passions, les médias … Décret du 20 février 2018. Et si on prenait un peu de recul ?

1. Ce que dit la loi aujourd’hui en France ? 
La loi d'orientation de 2013 a rendu le redoublement "exceptionnel". 
Le Décret du 18 novembre 2014 sur le suivi et l’accompagnement pédagogique des élèves a réduit le redoublement aux seuls cas où il peut pallier une rupture importante des apprentissages scolaires, par exemple dans le cas d’une maladie. Et un seul redoublement est possible en primaire, en fin de cycle. 
La baisse des redoublements a été effective. En 2016, 9% des élèves de 6ème avaient redoublés alors qu’en 2005, ils étaient 17%. 
Depuis, le décret n°2018-119 du 20 février 2018 modifie des articles du Code de l'éducation. Il est publié au BO N°8 du 22 février 2018  (version plus lisible) avec son application dans le privé sous contrat code de l'éducation: Organisation de l'enseignement dans les écoles maternelles et élémentaires privées sous contrat.
L'article D. 321-22, en particulier, qui concerne l’Enseignement privé sous contrat, a été modifié :
« Art. D. 321-22. - L'enseignement et l'organisation pédagogique mis en œuvre pour assurer la continuité des apprentissages au sein de chaque cycle prennent en compte les besoins et les réussites de chaque élève afin de permettre le plein développement de ses potentialités, ainsi que l'objectif de le conduire à l'acquisition du socle commun de connaissances, de compétences et de culture.
« Les dispositions pédagogiques mises en œuvre dans chaque cycle peuvent donner lieu à une répartition des élèves en groupes par l'enseignant ou par l'équipe pédagogique prévue à l'article D. 321-20.
« Les acquis des élèves font l'objet d'une évaluation régulière effectuée par l'enseignant ou par l'équipe pédagogique.
« La progression d'un élève dans chaque cycle est déterminée, sur proposition de l'enseignant intéressé, par l'équipe pédagogique. Les représentants légaux doivent être tenus régulièrement informés de la situation scolaire de leur enfant.
« Afin d'assurer l'accompagnement pédagogique prévu aux articles D. 311-11 à D. 311-13, lorsque la progression d'un élève dans ses apprentissages le nécessite, un dispositif d'aide peut être mis en place par l'enseignant ou par l'équipe pédagogique à tout moment de la scolarité à l'école primaire.
« Au terme de chaque année scolaire, l'équipe pédagogique se prononce sur les conditions dans lesquelles se poursuit la scolarité de chaque élève, en recherchant les conditions optimales de continuité des apprentissages, en particulier au sein de chaque cycle.
« À titre exceptionnel, le redoublement peut être décidé pour pallier une période importante de rupture des apprentissages scolaires. Le redoublement ne peut intervenir à l'école maternelle, sans préjudice des dispositions de l'article D. 351-7. À l'école élémentaire, lorsqu'il est proposé, il doit faire l'objet d'une phase de dialogue conduite avec les représentants légaux de l'élève et peut être assorti d'un dispositif d'aide.
« À titre exceptionnel, dans le cas où le dispositif d'aide prévu au cinquième alinéa n'a pas permis de pallier les difficultés importantes d'apprentissage rencontrées par l'élève, un redoublement peut être proposé par l'équipe pédagogique. Cette proposition fait l'objet d'un dialogue préalable avec les représentants légaux de l'élève et prévoit pour ce dernier un dispositif d'aide qui est mis en place lorsque le redoublement est décidé. Aucun redoublement ne peut intervenir à l'école maternelle, sans préjudice des dispositions de l'article D. 351-7. » ;
« L'équipe pédagogique ne peut se prononcer que pour un seul redoublement ou raccourcissement de la durée d'un cycle durant toute la scolarité primaire d'un élève. Toutefois, dans des cas particuliers, un second raccourcissement peut être décidé.
« Lorsque la durée passée par un élève à l'école élémentaire doit être allongée ou réduite d'un an, il est procédé comme suit :
« L'équipe pédagogique, éventuellement sur demande des représentants légaux, examine la situation de l'enfant. L'avis du médecin scolaire peut être demandé. Une proposition écrite est adressée aux représentants légaux par le directeur. Ceux-ci font connaître leur réponse écrite dans un délai de quinze jours à compter de cette notification. Passé ce délai, l'absence de réponse équivaut à l'acceptation de la proposition.
« Toute proposition acceptée devient décision.
« Si les représentants légaux contestent la proposition, ils peuvent, dans le même délai, saisir une commission de recours constituée à l'initiative d'au moins une école privée. À cet effet, le directeur de l'école privée sous contrat, dans le délai de huit jours suivant leur refus de la proposition, informe les représentants légaux de l'existence de la commission et de la possibilité qu'ils ont de la saisir par son intermédiaire. La commission de recours est composée de deux directeurs d'écoles privées sous contrat au moins et de deux enseignants contractuels ou agréés au moins. Les membres de la commission de recours ne siègent pas lorsqu'est examiné le recours concernant un enfant de l'école dans laquelle ils exercent. La composition et les règles de fonctionnement de la commission sont communiquées au directeur académique des services de l'éducation nationale agissant sur délégation du recteur d'académie.
« La commission procède à un nouvel examen de la situation de l'enfant.
« Le directeur académique des services de l'éducation nationale agissant sur délégation du recteur d'académie, ou son représentant, peut assister aux réunions de la commission de recours.
« Les décisions prises par la commission de recours sont définitives.
« Elles sont communiquées aux représentants légaux et au directeur académique des services de l'éducation nationale agissant sur délégation du recteur d'académie. »
A noter « Aucun redoublement ne peut intervenir à l'école maternelle, sans préjudice des dispositions de l'article D. 351-7. » 

Autrement dit :
En primaire, pour envisager, à titre exceptionnel, un redoublement des étapes sont à respecter : après une mise en place d'un dispositif d’accompagnement pédagogique, après un dialogue avec les parents, après un avis circonstancié du conseil des maîtres, le chef d'établissement assume la décision de redoublement accompagnée d'un PPRE. Un seul redoublement est possible en primaire.
En maternelle, pas de redoublement.

2. Et dans les autres pays ? 
Dans de nombreux pays le redoublement a disparu et les établissements ont développé des alternatives : pédagogie différenciée, prévention des inégalités scolaires, organisation pluriannuel des programmes scolaires (cycles), effectifs réduits pour les élèves défavorisés, suivi par un même enseignant des élèves sur plusieurs années, tutorat, soutien scolaire, intervention en maternelle, suivi individualisé et apprentissage coopératif, rattrapage de fin d’année, promotion conditionnelle, écoles d’été…  
D'après Pisa 2012, la France est le 5ème pays de l'Ocde pour le nombre de redoublants. 
Pour en savoir plus, lire le rapport Le redoublement dans l'enseignement obligatoire en Europe (Eurydice), paru en 2011. 

3. Ce qu’en pensent les élèves
Le redoublement concerne beaucoup plus les garçons que les filles et les milieux socio-professionnels les plus bas. 
Mais la croyance dans l'efficacité du redoublement est bien installée dans la société française. 
En 2015, le Cnesco a interrogé des collégiens et des lycéens. L’enquête a été auto-administrée dans le cadre scolaire. 73% jugent utile le redoublement. 71 % des lycéens et collégiens sont tout à fait ou plutôt d’accord avec l’affirmation : « J’ai eu de meilleurs résultats l’année redoublée »
D’après les travaux de Jean-Jacques Paul, Directeur de l’Institut de recherche sur l’Education/Sociologie et Economie de l’Education (IREDU), en 2004, les élèves hors contexte scolaire ont une réponse différente : « Plus de la moitié des élèves ont, après une année de redoublement, une image d'eux-mêmes dévalorisée. Paradoxalement, c'est dans le cadre scolaire qu'une majorité des doublants ont amélioré l'image qu'ils ont d'eux-mêmes ; par contre, l'image de soi des doublants s'est fortement détériorée d'un point de vue général et dans le contexte social qui les environne ; elle s'est même dégradée dans leur milieu familial, ce qui pose le problème des représentations du redoublement chez les parents ».
Et si comme enfant ou comme parent vous avez vécu un redoublement, comment avez-vous ressenti cette période ? Interrogez aussi votre entourage sur leur vécu. 

4. Ce qu’en pensent les chercheurs 
Le conseil national d’évaluation du système scolaire (Cnesco) et l’Institut français de l’éducation (Ifé) ont réuni en 2015 une conférence de consensus « Lutter contre les difficultés scolaires : le redoublement et ses alternatives ». Il s’agit de « faire le lien entre les préoccupations et les questions des praticiens et du grand public, d’un côté, et les productions scientifiques, de l’autre »
Lire :  

Le Cnesco écrit que dans la majorité des études, « le redoublement n'a pas d'effet sur les performances scolaires à long terme. Quelques études obtiennent des effets positifs à court terme dans des contextes très particuliers (notamment lorsque le redoublement est accompagné d'autres dispositifs de remédiation comme des écoles d'été). Le redoublement a par contre toujours un effet négatif sur les trajectoires scolaires et demeure le meilleur déterminant du décrochage. Il semble également impacter négativement le revenu futur du jeune adulte en agissant comme un signal de faible performance du salarié pour les entreprises »
D’après le jury, la simple suppression du redoublement ne résoudra pas le problème mais des expérimentations concrètes permettent d'apporter une réponse aux difficultés des élèves plus efficaces que le redoublement. 
Avant cette conférence de consensus, de nombreuses études avaient travaillé sur cette question. Les travaux les plus connus sont ceux de Jean-Jacques Paul, Directeur de l’Institut de recherche sur l’Education / Sociologie et Economie de l’Education (IREDU)et de Thierry Troncin, auteurs, en 2004, d’un rapport qui évalue l’impact du redoublement dans le traitement des difficultés scolaires pour le Haut Conseil d’Evaluation de l’Ecole. Ils soulignent l'inefficacité pédagogique du redoublement. 
Lire :

En 2014, Denis Meuret, professeur de sciences de l'éducation à l'université de Bourgogne, écrit « en règle générale, à l'école et au collège, le redoublement s'avère peu équitable et inefficace du point de vue des progrès individuels des élèves. Il affecte négativement la motivation, le sentiment de performance et les comportements d'apprentissage de ceux-ci et les stigmatise : à niveau égal en fin de troisième, les élèves « en retard » obtiennent de moins bonnes notes que les élèves « à l'heure », sont moins ambitieux que ceux-ci et sont plus souvent orientés en filière professionnelle. En outre, les comparaisons internationales montrent que le redoublement est inefficace du point de vue des résultats d'ensemble des systèmes éducatif ».

5. Que peuvent faire les enseignants ? 
« Dans quelle mesure cela vaut-il la peine de contraindre un élève à redoubler la classe qu'il vient de fréquenter, de le soumettre au même programme, avec l'idée que par le seul fait de la répétition, des connaissances et des aptitudes qui n'ont pas été assimilées vont l'être ? » interrogeait Jean-Jacques Paul. 
Le document synthèse avec les recommandations du jury : propose plusieurs pistes et notamment :

  • Privilégier l’aide aux élèves en difficulté, au sein de la classe, sur le temps scolaire ordinaire, en accord avec les orientations de la recherche en pédagogie et en didactique. Le jury souhaite limiter le mille-feuille des dispositifs. 
  • Développer l’expérimentation du « professeur des apprentissages fondamentaux » ou professeur du cycle 2
  • La formation continue des professeurs, notamment ceux du cycle 2. 

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